Prêts-textes à rire - Des mots

Publié le par Jacques Guilloreau

Je voudrais juste vous dire un mot
sur les mots.
Vous me répondrez peut-être que les mots
n'étant que des mots,
il n'y a rien à en dire.
Détrompez-vous.
Ce ne sont que des sons, certes,
et s'ils sont à la langue
ce que les notes sont à la musique,
ils ont aussi un sens.
Prononcés parfois par des insensés
ou des gens dénués de bon sens. D'accord.
Mais sans son (et Dali l'a... dit !),
vous n'avez qu'un dialogue de sourds.
Ou un film muet...

En tout cas, il faut être prudent avec les mots.
Car si d'aucuns ne sont que mots en l'air
lancés par des gens légers dans leurs propos,
d'autres sont si lourds de sens,
de contresens ou de sous-entendus,
qu'un mot en amenant un autre,
certains individus, après échange de mots,
en viennent à l'échange de coups.
C'est pourquoi il vaut mieux, de beaucoup,
de deux mots, choisir le moindre !

Vous avez même des mots explosifs,
à manier avec précaution,
en suivant mot à mot leur mode d'emploi.
Car des mots tuent.
Et bouche cousue. Définitivement.
Si un mot suffit ainsi parfois
à clouer le bec d'un adversaire,
n'en soufflez mot surtout à qui que ce soit.
Ou alors à mots couverts ou à demi-mot.
C'est trop dangereux.
Sans jouer sur les mots,
quand on parle d'adversaire,
c'est peu ou prou d'ennemi...
Donc, "top secret défense".
Et tenez, à propos de défense,
quand "la grande muette", l'Armée
avait pour mot d'ordre : "Ils ne passeront pas !",
il suffisait à ceux d'en face
de se procurer le mot de passe
et de se donner le mot pour nous infiltrer.
Ou bien d'utiliser un mot-clé pour ouvrir...
une brèche dans nos lignes !
C'est dire le pouvoir des mots.

Certains en usent et en abusent, d'ailleurs.
C'est le cas des hommes de pouvoir justement.
Les mots, c'est leur matière première.
Des mots, des mots, toujours des mots,
rien que des mots.
Des mots pour nous endormir,
des mots pour se faire élire...
Tous ces grands mots
pour embobiner le petit peuple
me donne envie de leur adresser
un petit mot pleins de gros mots.

Mais, en fait, je réserve mes lettres
à un tout autre genre de prose.
Et je préfère écrire des mots doux
agrémentés par-ci, par-là, d'un trait de plume,
d'un bon mot, voire d'un mot d'esprit.
D'un trait d'esprit, quoi !
Mais un jour, j'ai fait un faux-pas de plume
(un calamiteux "lapsus calami"),
j'ai décoché un trait d'union à quelqu'une
avec qui je n'arrivais plus à placer un mot.
Et qui me laissait bouche bée en me disant :
"Qui ne dit mot consent".
Que voulez-vous répondre à ça ?...

Et puis, elle ne mâchait pas ses mots, non plus.
Au point que j'en ai eu vite une indigestion.
Un beau matin, j'en ai touché un mot
à l'un de mes copains qui m'a conseillé :
"Depuis le temps qu'elle t'empoisonne,
envoie-lui donc le mot de Cambronne".
Eh bien, je l'ai pris au mot.
Et vous me croirez si vous voulez,
moi qui ne pouvais jamais avoir le dernier mot,
j'ai réussi à avoir le mot de la fin.
Et vous savez le fin mot de l'histoire ?
Depuis, je fais des mots croisés.
C'est moins risqué !

© Jacques Guilloreau, Prêts-textes à rire.
 

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