La ronde du monde - Toi, l'Homme

Publié le par Jacques Guilloreau

Dis donc, l'Homme,
parfois bel homme,
pas bien bonhomme !...
Tu roules des épaules
beaucoup aujourd'hui.
Mais n'est-il pas vrai
que tu as le beau rôle
dans l'opéra de la Vie.
Depuis que relevé
sur tes pattes arrières,
ton cul levé de terre,
tes yeux vers le ciel étoilé,
tu as marché debout...
Parfois jusqu'au bout.
Depuis que tu as cessé
de grogner et commencé
de parler… pour mentir !
Et pris parti de rire,
Mais ausssi de pleurer.
Cessé de jeter la pierre
pour la tailler, la polir...
Depuis, tu t'es consacré
roi de la Terre entière.
Pour régner en maître,
sur les choses, les êtres.

Dis donc, l'Homme,
pas bien bonhomme !...
Tu as allumé la flamme,
puis battu le métal.
Aussi un peu ta femme !
Conquis le cheval,
mis les bêtes en cage.
Et tes frères en camps.
Survolé les nuages,
sillonné les océans,
conquis les continents.
Amadoué aussi les dieux,
leur dédiant de majestueux
et riches saints lieux.
Fort encensé le bien
et condamné le mal,
son satané rival.
Refoulé les instincts,
exalté les sentiments.
Edicté des commandements,
établi de solides lois
et, main sur la poitrine,
bâti de belles doctrines.
Puis tapé sur les doigts
de qui n'en voulait pas.

Dis donc, l'Homme,
pas bien bonhomme !...
Ainsi, d'obscur et nu
homme des sombres forêts,
tu te croyais devenu
un brillant civilisé.
Costumé, fin lettré.
Seulement toi, le surdoué,
qui as beaucoup inventé,
entre autres le miroir,
tu ne sais guère te voir.
Tes restes de toison
sur ton corps, ton menton,
devraient te le rappeler :
tu n'es qu'une bête évoluée,
un peu surévaluée...
Tu ne cesses de te surpasser
dans toutes tes suractivités.
Toujours plus vite et fort.
Mais les fameux records
de tes champions surdopés,
sont de faiblesse navrante
face aux scores quotidiens
d'espèces les plus courantes.
Tu t'essouffles pour rien.

Dis donc, l'Homme,
pas bien bonhomme !...
Tu t'agites, te démènes
pour dominer tous domaines.
Et asservir, maîtriser
la nature, les éléments.
Mais que la Terre blessée
se convulse en tremblement,
saigne à flanc de volcan,
te voilà tout démuni.
Tu te crois un géant,
tu n'es qu'une fourmi.
Tu programmes ton trajet,
échafaudes des projets :
tes études, ta carrière,
ta résidence secondaire,
parfois même tes enfants...
Toi seul des êtres vivants
sais cependant ta fin
tout au bout du chemin.
Tu sais la mort, mais feins
joliment de l'ignorer.
Et essaies de te rassurer
de celle de ton voisin,
en tentant de l'expliquer.

Dis donc, l'Homme,
pas bien bonhomme !...
Tu la crains mais ne crains
rarement de la donner.
Toi, l'être en rut permanent,
qui n'a pas de saison
des amours pour aimer,
tu es le seul être vivant
à n'avoir besoin de raison,
non plus, pour supprimer
les frères de ton espèce...
Même les loups, entre eux,
jamais ne se dépècent.
Alors toi, le prétentieux,
qui te dis Homme, je crois
que tu n'auras le droit
à porter ce titre sur le front
qu'après avoir saisi
ta véritable dimension :
une étincelle de Vie
dans le feu des galaxies
et le fleuve de l'éternité.
Une étincelle de Vie
que tu auras envie
enfin... de respecter.

© Jacques Guilloreau
Cris écrits

 

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